Quand j’étais enceinte, on m’avait beaucoup parlé de la difficulté d’avoir un enfant pour le couple. On m’avait beaucoup dit que cela apportait des tensions entre les parents. Je me souviens que cela m’avait un peu effrayée. Tout allait globalement bien avec mon chéri et j’avais envie de fonder une famille avec lui. J’espérais donc que cette nouvelle aventure de la parentalité n’allait pas faire voler en éclat ce que nous avions construit depuis le début.
Au début, avec notre nouveau-né, nous étions certes sur les nerfs à cause de la fatigue, mais je n’ai pas eu l’impression que nous avions des “baby clash” particulièrement. C’est un peu plus tard que nous nous sommes rendus compte du challenge: deux éducations différentes, deux univers différents, deux personnes dont les blessures sont différentes. Nos deux mondes qui jusque-là faisaient notre intérêt commun l’un pour l’autre se sont entrechoqués pour devenir une menace l’un pour l’autre. Moi j’ai eu tendance à surprotéger mon fils, le couver, j’étais floue parfois dans les limites que j’imposais. Mon mari quant à lui a eu tendance à être très sévère avec notre fils, l’autorité et l’obéissance passaient avant tout pour lui.
Moi j’ai refusé ce côté de lui que je considérais militaire dans son éducation et lui combattait chez moi ce qu’il prenait pour un manque de cadre et un laxisme dans mon éducation.
Quand on était chez les grands-parents aussi, cela était source de tensions, car chaque famille avait son monde et son modèle d’éducation et la différence était assez flagrante.
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Nous étions devenus deux étrangers et forcément, nous avons commencé à nous déchirer. Nous avons voulu défendre nos positions, nous avons voulu changer l’autre et lui faire comprendre que c’est nous qui avions raison. Nous avions peur de l’inconnu que représentait un autre mode d’éducation.
Comme nous avions envie d’avancer et que la communication devenait trop difficile, nous avons décidé de demander de l’aide et commencer à consulter un thérapeute de couple.
Au début la démarche était bizarre, je me sentais stressée, car rattrapée par l’idée reçue que “ça y est, on est au bord de la rupture si on va voir un thérapeuthe de couple”. Mais le déroulé de la thérapie de couple m’a fait ressentir tout autre chose. On était bien loin du cliché où chaque membre du couple est à l’extrémité d’un canapé, les bras croisés, et en face se trouve un thérapeute qui dit “Et qu’avez-vous ressenti quand il ou elle dit cela ?” à l’autre partenaire.
La thérapeute que nous avions rencontrée nous a accompagnés pour apprendre à communiquer et nous connaître nous-mêmes. Elle a même été assez surprenante, car pour elle, peu importe le problème que nous traversions, les clés étaient : la clairvoyance sur ce qui se passait en nous et la communication.
Globalement, elle nous a amené à comprendre que nous avions des besoins non satisfaits et dont nous n’avions pas conscience. Ainsi, sans conscience de ce que nous vivons à l’intérieur, d’autres mécanismes en nous se mettent en place comme ici de la peur, de la frustration et de l’agressivité. Mais le plus flagrant était de comprendre que mon mari et moi avions les mêmes besoins.
Nous avions un besoin de reconnaissance dans un premier temps : il était important pour nous d’être validés en tant que parents par notre partenaire et respectés dans nos choix d’éducation. Voir l’autre constamment questionner nos actes appuyait sur ce manque de reconnaissance en nous, réveillant une agressivité sans précédent entre nous.
Ensuite, nous avions un besoin d’appartenance : reproduire l’éducation que nos parents nous ont donné est une façon de rester “l’un des leurs”. Comme une fidélité que nous avions envers nos familles et parents, un genre de “chez nous, c’est comme ça”.
Enfin, nous avions besoin de sécurité et de certitudes concernant l’évolution de notre enfant: il est très angoissant pour mon mari d’imaginer notre enfant “mal élevé” et pour moi, il était important qu’il ne soit pas “mal dans sa peau”. Chacun orientait donc son éducation avec ses peurs ou ce qui était important pour lui. Mais dans ce contexte, voir son partenaire faire autrement était un danger. Cela risquait d’éloigner notre enfant de notre but pour lui. Moi je pensais que “trop de limites serait destructeur pour son estime de lui, pour la relation entre nous et il sera soumis” et mon mari pensait “qu’il sera un adulte perdu et insolent si les limites sont floues”. Nous voulions donc imposer chacun notre modèle d’éducation pour nous rassurer que tout se passerait comme nous le voulions… Je passe bien sûr les autres besoins qui sont en lien avec cela (besoin de contrôle… etc) car l’on peut dérouler l’exercice assez loin.
Ainsi, en partant de ce que nous ressentions (peur, colère, inconfort, …) nous avons appris à chercher le besoin non satisfait derrière, puis, dernière étape, nous avons appris à l’exprimer. C’est comme cela qu’un “Arrête de crier sur lui !” de ma part, c’est transformé en “j’ai besoin d’harmonie et d’être rassurée sur l’amour que tu portes à notre fils”. C’est comme cela qu’un “Tu le couves trop !” de mon mari, c’est transformé en “J’ai besoin d’être rassuré sur le fait que mon fils gagne en autonomie”.
Petit à petit, cette thérapie à fait des miracles dans notre couple car cela nous a permis de retrouver un point commun : nous avons tous les mêmes besoins. Donc, nous avions retrouvé de l’empathie l’un pour l’autre, car il était plus facile de se comprendre. Nous avons aussi appris à faire une éducation qui mêle un peu de nos deux mondes, ce qui a été possible dès lors que l’autre ne représentait plus un danger.
Nous continuons de voir notre thérapeute car la communication sur nos besoins et la prise de conscience a ouvert d’autres portes plus profondes :
Un “Mais arrête de le prendre dans tes bras un peu !” de mon mari cachait un “ma mère ne m’a pas apporté tout l’amour et l’attention dont j’avais besoin et je trouve cela injuste que mon fils l’ait”.
Un “Arrête d’être toujours être sur son dos à table !” de moi cachait un “mon père a toujours été trop strict avec moi à table et je n’ai rien pu dire à l’époque”….etc.
Ce qui est sûr, c’est qu’au début, nous voulions consulter pour que notre couple aille mieux, mais nous avons plutôt appris que ce résultat n’est accessible que si individuellement, nous allions mieux et que nous apprenions à se le dire.
Lise.
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