Ça fait froid dans le dos : plus d’un enfant sur 10* est victime de harcèlement scolaire entre la fin du primaire, le collège et le lycée. Karine Renard, maman de Quentin et Mathilde, a accompagné ses deux enfants à traverser cette lourde épreuve. Elle a tenu à témoigner, non seulement pour partager son expérience, mais aussi parce qu’elle a trouvé un accompagnement efficace pour aider ses enfants à sortir de ce cercle vicieux. Un moyen pour elle de le faire connaître et surtout d’aider le plus de personnes à sortir de cette spirale infernale. Témoignage.
Au programme :
- Témoignage d’une maman face au harcèlement scolaire
- Quels sont les signes qui doivent alerter ?
- Rencontre avec une solution pour sortir de l’impasse
- Que conseillerais-tu pour faire face au harcèlement scolaire ?
- Comment (vraiment) aider nos enfants face à cette violence ?
CPMHK “Karine, tes deux enfants ont été victimes de harcèlement scolaire, peux-tu nous en parler ?”
Karine : Oui, mes deux enfants ont connu des épisodes de harcèlement à l’école et j’ai fait de mon mieux pour les accompagner et les aider à s’en sortir. Pour mon fils, j’ai réagi d’instinct et j’ai foncé tête baissée pour intervenir. Pour ma fille, j’ai eu “la chance” d’avoir un peu plus de recul, car j’avais rencontré la thérapie “brève systémique” développée par Emmanuelle Piquet qui a transformé ma vision des choses et ma réaction. La méthode m’a tellement convaincue que je m’y suis formée et je suis maintenant thérapeute certifiée.
J’espère que mon témoignage pourra aider d’autres parents à trouver les clés et à ne pas reproduire les “erreurs” que j’ai commises, pour gagner du temps et bien “équiper ses enfants”.
Note de CPMHK : nous parlons ici d’agresseur, de bourreau ou d’harceleur, par simplicité, même si cela est réducteur et stigmatisant. Chaque être a de multiples facettes, tantôt sympas, tantôt moins reluisantes. Un enfant peut évoluer. Il peut être l’agresseur d’un enfant, et la victime d’un autre. Et bien sûr, dans d’autres contextes, il a de super comportements.Donc, n’enfermons pas les enfants dans des cases ou ne leur collons pas d’étiquettes ! C’est le meilleur moyen de leur laisser le champ libre pour évoluer. |
CPMHK “Quels sont les signes qui doivent alerter ?”
Pour mon fils, le harcèlement a commencé en CM1, puis à nouveau en sixième.
Un changement de comportement
Pour Quentin, les ennuis ont commencé à l’école primaire en CM1. Il avait 10 ans. Son comportement a commencé à changer. Lui qui d’habitude était plutôt loquace et joyeux au retour de l’école est devenu de plus en plus silencieux.
Pour ma fille, c’était des maux de ventre et la perte de l’appétit.
Baisse des résultats scolaires
Cela fait souvent partie des signes qui peuvent alerter. Pour mon fils, il continuait à faire ses devoirs et ses notes restaient constantes, alors que ma fille est plutôt rentrée dans une spirale de phobie scolaire.
CPMHK “Comment es-tu intervenue face à ce harcèlement scolaire ?”
Une situation qui s’envenime
Un soir, j’ai récupéré mon fils en larmes. Il m’avoue que Sarah, sa copine de toujours, flanquée d’un autre gamin, le molestent depuis plusieurs mois. (Un “agresseur” est rarement seul, il est souvent accompagné, car on se sent plus fort en bande. C’est dans la force du groupe qu’ils assoient leur popularité.) Elle se moque de lui ouvertement et l’a même giflé devant tout le monde ! La maîtresse n’a rien vu. Les nounous ont prévenu les parents de l’agresseur. En tant que mère, je me sens dépossédée face à ce règlement de la situation où je n’ai été ni consultée, ni même prévenue. J’appelle sur le champ la mère de Sarah et ne peux m’empêcher de crier voire de menacer.
Un système qui reste sourd aux appels
De retour à l’école, le harcèlement se fait pernicieux. L’agresseur l’interpèle en mode “et là, ça va ?”, “et comme ça, je ne t’embête pas”, etc. ? Je prends rendez-vous avec le directeur à qui j’explique la situation. Fin de non-recevoir. Mon fils se retrouve l’année suivante dans la classe de ses agresseurs. J’interviens encore et préviens parents et enfants que si les agissements reprennent, j’irai “voir les flics”.
Et à l’entrée en sixième, rebelote. Un autre ami a commencé à s’en prendre à lui : menaces, moqueries, exclusion, etc. C’est d’autant plus dur que c’est un copain. Mon fils s’accroche et l’autre en profite. Là encore, je prends ma cape de justicier pour le “sauver” et les incidents s’arrêtent là.
Aujourd’hui, mon fils est en quatrième. Les persécutions ont l’air d’avoir cessé et surtout Quentin a appris à se défendre. Il s’est musclé en quelques sortes, tant physiquement que moralement.
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CPMHK “Tu disais que tu avais rencontré une technique qui t’a aidé ensuite ?”
De la cour d’école à la machine à café
J’avoue que cela a été très dur de voir mon fils persécuté. Je me disais qu’il devait exister d’autres solutions pour sortir de cet enfer ! Et la vie a fait que j’ai assisté à une conférence d’Emmanuelle Piquet intitulée “De la cour d’école à la machine à café” (2). Son propos : “les enfants qui partent la boule au ventre à l’école deviennent souvent les adultes qui partent la boule au ventre au travail”. En fait, c’est une spirale infernale, une escalade inversée dans la relation où l’un prend une position de plus en plus basse tandis que l’autre devient de plus en plus dominant et écrasant. La relation devient synonyme de souffrance. Pour la conférencière, les victimes harcelées peuvent développer certaines maladies, tandis que les “harceleurs” se retrouvent à des postes à responsabilité en entreprise.
Quand notre enfant se retrouve en position de victime, il développe parfois la fausse croyance qu’il ne peut s’en sortir seul et que c’est à une force extérieure d’intervenir. À l’inverse, l’approche de la thérapie brève systémique et stratégique propose de doter les personnes victimes de harcèlement des outils nécessaires pour s’en sortir seuls dans les situations…
Cela a été pour moi une véritable révélation ! En réalité, en intervenant, j’avais inconsciemment expliqué à mon fils qu’il n’était pas capable de s’en sortir seul (pas hyper efficace…). Maintenant, avec cette méthode, je pouvais me doter des outils pour aider chacun à déployer ses ailes et à trouver seul ses armes.
Changement de posture pour accompagner ma fille
Brouhaha mental :
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Un jour, c’est ma fille de 8 ans qui rentre de l’école en pleurant : “mon amie Lou est méchante et tout le monde se moque de moi !” Elle n’arrive plus à se concentrer, ses résultats chutent. Elle a mal au ventre, perd l’appétit et, bien sûr, de moins en moins envie d’aller à l’école. Un jour, elle me demande de changer d’école.
Je lui réponds “Tu sais, des Lou, il y en aura toujours d’autres, dans d’autres écoles. Tu ne penses pas qu’il vaut mieux apprendre à s’occuper de la première ?”
Ce coup-ci, je suis mieux équipée : pas d’appel aux parents, pas d’intervention auprès de la fillette… Je veux lui proposer d’apprendre à se défendre seule et lui montrer que je l’aime et que j’ai confiance en elle ! Nous prenons rendez-vous avec une praticienne en thérapie 180 (la méthode d’Emmanuelle Piquet) qui accompagne ma fille dans son changement de posture. Les résultats ont été au-delà de mes espérances.
CPMHK “Après avoir traversé tout ça, que conseillerais-tu pour faire face au harcèlement scolaire ? Quelles solutions concrètes ont été mises en place ?”
Parents, concentrons-nous sur notre enfant
En fait, cette thérapie travaille d’abord avec les parents, pour les aider à se positionner et à “ne pas mettre leur grain de sel”. C’est dur pour un parent, j’en sais quelque chose 😉 : “ne pas intervenir, ce n’est pas ne rien faire !” Dans une situation de harcèlement, le parent doit soutenir et accompagner son enfant d’une part, tout en lui laissant son pouvoir d’action.
Il y a deux gros inconvénients à ce qu’un parent intervienne à mon avis.
- En fait, notre intervention risque d’empirer la situation. Les agresseurs s’y prendront peut-être plus en douce encore, notre enfant sera plus exclu, ou il n’osera peut-être plus nous parler (de peur que l’on s’inquiète de nouveau, ou que l’on intervienne) et se retrouvera encore plus isolé !
- L’autre aspect toxique, c’est qu’en intervenant, on renforce notre enfant dans la croyance “tu n’es pas capable” et on le met dans une situation de dépendance à un tiers. Un message implicite dont il est difficile de se défaire. (Voir l’article ‘Aider notre enfant à surmonter les méchancetés de la cour de récré.’)
Prendre du recul et programmer de nouvelles réactions
Ensuite, le thérapeute travaille avec l’enfant pour lui expliquer la stratégie : observation, entraînement, confrontation.
1/ Pour l’observation, il s’agit de noter précisément les faits : qui sont les agresseurs ? Où se passent les “attaques” ? Comment ? Quels mots emploient-ils ?
2/ Ensuite, sur la base des faits et actions précis, la thérapeute a proposé à Mathilde des flèches défensives à décocher quand elle se sent agressée. Par exemple :
Sa “copine” Lou miaule à l’appel de son nom ? > Mathilde doit se retourner en rugissant.
L’agresseuse lui lance “T’es tellement moche que j’ai les yeux qui saignent…” > elle doit lui répondre “Et toi, t’es tellement moisi de l’intérieur que ça sent mauvais…” (et de se boucher le nez à chaque fois qu’elle la croise).
La thérapeute la prépare aussi aux autres réactions qui peuvent découler de cette nouvelle posture : si Lou va se plaindre ; si Lou se met à la traiter de bébé ; de “balance”, de “poucave”… ou encore, si Mathilde se fait gronder par la maîtresse (car cela peut donner l’impression qu’elle devient l’agresseuse à son tour). Elle lui apprend donc à anticiper les différents cas de figure pour ne pas être prise au dépourvu.
S’entraîner et se confronter
Mathilde et moi avons passé une journée entière à l’entraîner à lancer les répliques choisies ! Bons moments et éclats de rire… Ma fille a appris à décocher ses flèches avec précision et agilité.
Le lendemain matin, ma puce qui traînait à se lever depuis des mois est sur le pied de guerre à 6:30. Elle a hâte d’en découdre et de sortir ses projectiles de son carquois… Tout en elle a changé : les épaules redressées, la combativité, l’allant… Le soir, elle revient tristounette. Je la questionne, un peu anxieuse. Elle n’a même pas pu décocher la moindre flèche ! Les agressions n’ont pas eu lieu aujourd’hui.
Je lui explique qu’en changeant de posture, en s’équipant de son carquois et de ses flèches, elle s’est armée. Et ça, les autres l’ont senti… comme s’ils voyaient ce beau projectile étincelant, cette flèche en or, prêt à les transpercer ! Et ils n’ont pas eu envie de s’y frotter…
CPMHK “Comment (vraiment) aider nos enfants face à la violence scolaire ?”
Quand le harcèlement scolaire s’installe, on ne peut (et ne doit) évidemment pas rester indifférent. Pour autant, mieux vaut aider notre enfant à trouver ses armes. Chaque jour, j’accompagne parents et enfants à affronter leur problématique et à trouver leurs solutions.
On peut inscrire notre fils/fille à la salle de muscu, bien sûr 😉. Mais ce qui me plaît dans la thérapie brève à 180°, c’est de redonner à l’autre sa responsabilité et du coup, son POUVOIR. On lui propose de réelles alternatives et c’est lui qui choisit ! Cela peut aller très vite (4 ou 5 séances peuvent suffire).
Bien sûr, il y a autant de harcèlements scolaires que de victimes ou de bourreaux. Et il n’est jamais facile de réagir ! En tant que parent, on voudrait préserver nos petits de la dureté du monde, et on leur apprend souvent à “être gentil”. Mais leur donner les armes et leur apprendre à se défendre n’est pas toujours naturel. Pour ne pas laisser perdurer cette situation, se faire accompagner et trouver les ressources est souvent une nécessité !
Sources :
- Karine Renard, Thérapie 180
- Thérapie brève et stratégique de l’École Palo Alto Emmanuelle Piquet
- “De la cour de l’école à la machine à café” d’Emmanuelle Piquet
- Statistiques de l’Observatoire de la santé : Harcèlement scolaire : causes et conséquences
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