Le week-end dernier, je lisais le livre d’un psychologue clinicien (“1,2,3 magique !” de Thomas Phelan) qui critique durement « l’éducation moderne », cette éducation où, face à un mauvais comportement de nos enfants, la seule réaction est de leur expliquer pourquoi ils ont tort d’agir ainsi… Il prend cet exemple :
«Un soir où vous rentrez à 18h12 et que votre fils de 8 ans taquine sa jeune sœur de 5 ans pour la 18ème fois depuis qu’ils sont rentrés (…) vous lui expliquez pourquoi il ne devrait pas taquiner sa petite sœur. (…) Imaginez alors que votre fils vous dise : « C’est fou, je n’avais jamais vu la situation sous cet angle ! » (…) Ce serait formidable, mais tout parent sait que ce genre de choses n’arrive pas. Les enfants ne sont pas des petits adultes. ».
L’auteur explique ensuite en quoi la méthode du “1, 2, 3” chère à Super Nanny est bien plus appropriée selon lui.
Je ne suis pas sûre de partager son avis et me permets de répondre par un autre exemple. Imaginez que vous vous disputez pour la dixième fois avec votre conjoint et que, tout à coup, un copain arrive et vous explique pourquoi ce n’est pas bien de se bagarrer. Comme vous êtes des adultes, la partie rationnelle de votre cerveau vous permet de « vous maîtriser » et de cesser cette dispute. Mais est-ce que le problème de fond est réglé pour autant ? Bien sûr que non et il y a même des chances que ça ne soit que partie remise. De la même manière, s’en tenir à expliquer à son enfant en quoi il a un « mauvais comportement » n’est pas efficace car cela ne règle le problème qu’en surface.
L’éducation dite “moderne” est bien plus subtile.
C’est pourquoi je réfute complètement cette théorie selon laquelle “l’éducation d’aujourd’hui, c’est de tout expliquer aux enfants !”.
Brouhaha mental :
💥Ce « Brouhaha mental » qui nous empêche de profiter en famille 💥
👉TOUS LES EXERCICES pour s’en libérer dès maintenant ! Derniers jours pour nous rejoindre !! ✨
Quant à la méthode “1,2,3” j’attends de finir ce fameux livre pour en parler davantage. A priori, je lui reproche la même chose qu’à la phrase : « Arrêtez de vous bagarrer parce que c’est pas bien de se disputer. Ca blesse l’autre, etc. » : elle peut faire cesser le conflit, mais elle ne règle pas le problème en profondeur.
Menacer un enfant de le renvoyer dans sa chambre “au bout de 3” s’il continue son mauvais comportement, comme taper son frère par exemple. Est-ce de l’éducation ? Est-ce vraiment transmettre des valeurs ? Si l’explication ne permet pas à l’enfant d’arrêter sa colère et que le fameux “1, 2, 3” le permet, c’est bien que c’est efficace, au moins pour réduire le niveau sonore de la maison ! Mais de là à dire que c’est une méthode éducative…
Ravaler sa colère n’est jamais bon. Elle stagne dans un coin de notre tête et s’exprime alors d’autres façons ou à travers d’autres symptômes tout aussi négatifs. Raison pour laquelle le principal job des psys est justement d’exhumer ce que leurs patients ont enfoui au fond d’eux parce qu’au moment où ils l’ont ressentie ils ne se sont pas autorisés à l’exprimer.
Alors quelles solutions avons-nous face aux mauvais comportements de nos enfants ?
Raisonner notre enfant en plein pic d’émotion, tout comme raisonner un adulte en colère, est souvent peine perdue. Le premier objectif éducatif est d’aider notre enfant à exprimer ses émotions par d’autres moyens que la dispute ou la colère.
Proposons-leur des alternatives ! La semaine dernière, Léon, qui voulait rentrer en communication avec le fils de nos copains, s’est mis à lui taper sur la tête. Allez savoir pourquoi… Même s’il n’y avait pas de « méchanceté » dans son geste, ça n’a pas plu au petit copain. Plutôt que de lui dire d’arrêter, de lui expliquer que « Taper ce n’est pas bien ». J’ai opté pour lui dire « Regarde, le petit garçon n’a pas l’air d’aimer ça du tout. Tu peux lui faire des guilis si tu veux t’amuser avec lui, c’est beaucoup plus drôle » (d’ailleurs, j’avais un peu utilisé la même méthode lorsqu’il avait mordu Joy !). Bonne pioche ! Cette phrase a suffi à ce que Léon arrête de taper et fasse des guilis à la place. (Ça n’a pas beaucoup plu au petit copain non plus, mais au moins, ce n’était pas douloureux).
L’autre problème d’expliquer à un enfant ce qui est “bien” ou “mal” est que cela est souvent bien trop subjectif.
Pas plus tard qu’hier, Joy s’est mise à taper sur la tête de Léon avec la housse de sa guitare. Je m’apprêtais à lui dire d’arrêter, quand j’ai vu Léon éclater de rire. Et alors ? Si cela les fait rire tous les deux, où est le problème finalement ? Par précaution, j’ai tout de même lancé un simple « Joy, j’ai peur que tu lui fasses mal ». Joy m’a répondu : « Mais non t’inquiète pas, c’est tout mou ! » et ils ont continué ainsi sans drame.
Si la semaine dernière, j’avais dit à Léon « on ne tape pas ». Il est fort probable que face au coup de housse de guitare de sa sœur hier, il n’aurait pas pris le parti de rigoler. Pourquoi lui se ferait-il gronder quand il tape et pas sa sœur ? Il serait probablement venu se plaindre à moi, pour trouver justice.
De plus, que penser des guilis de Léon sur son petit copain ? Est-ce bien ou mal de faire des guilis ?
Peu de choses, au final, sont « bien » ou « mal » dans l’absolu. L’important, me semble-t-il, c’est ce que l’autre ressent par rapport à la situation. (Voler aux riches pour donner aux pauvres, c’est bien ou mal ? C’est subjectif ☺ ). Il n’y a pas de vérité absolue, tout dépend des circonstances. Et c’est ça que nous devons enseigner à nos enfants. Etre capable d’évaluer si ce qu’il fait est agréable ou non pour son entourage. «Regarde le petit garçon : est-ce que tu penses qu’il trouve drôle que tu l’asperges d’eau, ou plutôt qu’il n’aime pas ? » C’est beaucoup plus utile que de lui apprendre, que de lui enseigner qu’une bataille d’eau, c’est “mal”. D’autant que dans certaines circonstances, une bataille d’eau c’est tellement amusant !
Être capable d’appréhender et de comprendre l’émotion de l’autre est une qualité précieuse. C’est évidemment très difficile de pratiquer cette empathie lorsqu’on est en pleine crise, submergé par ses propres émotions. Dans ce cas… Aidons d’abord notre enfant à retrouver son calme et parlons un peu plus tard, à tête reposée et cœur apaisé, de ce qu’a vécu l’autre.
Comprendre, pour évoluer
Bien sûr, tout cela ne suffit pas à éradiquer tout mauvais comportement chez nos enfants. Il faut déjà comprendre les vraies raisons de ce que je préfère appeler une attitude négative, comme je l’ai expliqué dans l’article Caprice » d’enfant : la meilleure façon de les gérer (pardonnez-moi d’avance le terme “caprice”, utilisé ici pour parler au plus grand nombre ???? ).
De plus, pour l’exemple de la dispute donné dans le livre de Thomas Phelan, je crois fermement qu’il est bien plus utile d’apprendre à nos enfants à gérer eux-mêmes leurs conflits plutôt que d’intervenir avec la méthode “1,2,3” (voir l’article Comment bien gérer les disputes d’enfants?)
Enfin, pour encourager un changement de comportement, rien de tel que de montrer à votre enfant que vous êtes convaincus qu’il est capable de le faire. (Voir Comportement de mon enfant : comment nos paroles peuvent l’améliorer )
L’éducation est malheureusement beaucoup plus complexe qu’une simple explication ou qu’une simple menace 1,2,3…
Déposer / Voir les commentaires
Bonjour,
Merci pour le travail que vous faîtes et toutes les chouettes astuces que vous partagez gratuitement. Pour moi, ce site est une bonne ressource de créativité dans l’éducation. Je trouve que c’est souvent ce qu’il nous manque : des idées alternatives ! Donc c’est chouette.
Je réagis d’ailleurs sur la fin de cette article qui m’a un peu dérangée. Tout simplement parce que je crois qu’il y a bien un “bien” et un “mal” absolu. Certes il y a des situations vraiment floues et pour lesquelles les circonstances jouent un rôle important. Toutefois, pour reprendre votre exemple, j’ai la conviction que “voler” est mal, quel que soit le motif et quoi qu’en dise Robin des Bois :-). Et je crois que c’est important de transmettre ce genre d’absolu à nos enfants. On ne gagne pas le mal par le mal. Il est vrai que certaines circonstances expliquent le recours au “mal” : voler pour se nourrir par exemple. Dans cet exemple le vol est action de désespoir et donc rendu compréhensible, mais il ne peut pas être appelé “bien”. Bref. L’idée n’est pas de lancer un débat, je souhaitais juste rebondir et apporter une autre vision sur l’idée du “bien/mal”.
En tous cas vous avez rapidement précisé que c’était votre avis et je vous remercie d’avoir apporté une notion de subjectivité à votre propos. Il me semble que les “mauvaises actions” sont parfois des conséquences d’un manque de ressources, d’un manque d’idées alternatives, et je crois que c’est ce que vous apportez dans ce site (en matière de parentalité). C’est vrai aussi que je trouve que le ton y est toujours bienveillant (envers tous et envers tout type de comportement) et authentique. Merci et bravo !
Si le but de cet article est de faire la comparaison avec la méthode 1,2,3 de Thomas Phelen, à mon sens il aurait mieux fallu finir entièrement son livre afin de nous donner un avis neutre sur le sujet. Je n’ai pas lu ce livre, et je suis abonnées à ce blog que j’aime beaucoup car il m’aide à trouver des pistes d’améliorations dans l’éducation de mon fils (qui est mon 1er enfant – donc j’apprends tout autant que lui..), mais surtout essayer de décrypter ses messages parfois “désagréables” en effet. Je suis d’accord avec Dantour dans le fait qu’il n’existe aucune méthode miracle qui fonctionne absolument et à tout les coups, mais plutôt des conseils, points de vues, qui peuvent nous aider à nous adapter à notre cher petit pour qu’il s’épanouisse dans les meilleures conditions possible.
Tout cela pour dire, que je suis un peu déçu par cet article, car l’éducation positive c’est top, en soi, mais tout le monde n’est pas à même de l’appliquer à 100% en fonction de son propre caractère et surtout de celui de son enfant, et j’aurai souhaité avoir une vision plus impartiale des choses, surtout lorsque l’on prend à partie un auteur spécifiquement, qui à le droit d’avoir sa propre vision des choses…
Pour ma part j’applique les “3 méthodes” – expliquer – trouver une alternative – et si vraiment cela ne suffit pas (qu’il recommence 3 ou 4 fois à taper sur le fameux copain par exemple – pour moi c’était tirer les cheveux) j’applique le 1,2,3 au coin, mais en restant positive (car nous ne sommes pas obligé de crier en faisant 1,2,3) : je lui explique pourquoi il est finalement puni, cela dure env 2min, puis je lui demande de venir à moi, je lui ré-explique qu’il ne faut pas tirer les cheveux (et oui..) car ça fait mal, et que c’est bien mieux de faire des câlins, et enfin on fini par un bisou et un gros câlin. Cela a duré plusieurs mois et à force, aujourd’hui dès qu’il rencontre un autre enfant, même au parc, il va systématiquement lui faire une petite caresse sur la tête et un bisous. Donc c’est ce qui a fonctionné pour mon enfant, et je ne prétend pas que cela fonctionnera pour d’autres.
Mais au lieu de se tirer dans les pattes entre telle méthode est mieux que celle-ci, la vrai question est ; de quoi mon enfant à t-il réellement besoin.
même méthode et même conclusion
l’idéal : bon sens et modération
perso, je suis ok avec l’éducation positive mais … effectivement parfois il y a des réajustement à faire, être excessive dans l’éducation n’est jamais bon, il n’y a aucune méthode parfait, il faut s’adapter à l’enfant
Merci encore pour cet article que je lis seulement. Je trouve que c’est un des sujets les plus délicats dans l’éducation de nos enfants. Il faut trouver le juste milieu, et au sein de nos propres émotions, de nos réflexes acquis au travers de notre propre éducation et des événements quotidiens, c’est souvent difficile. C’est un travail de chaque jour. Mais grâce à nos lectures, comme celle de vos articles, on y travaille!
Le problème c’est qu’il me semble que nombre de parents sont à la recherche de recettes toutes faites, “express” style fastfood qui ne demandent ni une véritable réflexion sur les besoins des enfants et leurs capacités émotionnelles, affectives ou cognitives et que bien évidemment cela ne “fonctionne pas” car les enfants sont des être bêtement humains et que les êtres humains – même petits – sont infiniment plus complexes (du moins encore…) que des intelligences artificielles programmables… Alors – comme tous les enfants sont différents (c’est l’extrême richesse du vivant qui ouvre le champ des possibles pour la survie des espèces…Mais c’est une autre histoire… quoique…) aucune “recette” ne marche sur tous. Est-ce à dire qu’il faudrait conformer les enfants à des systèmes éducatifs (et pourquoi ?) plutôt que d’adapter nos approches éducatives aux personnes uniques que sont tous les enfants ? Dans le premier cas n’est-on pas dans la domestication alors que dans le second il s’agit de permettre aux enfants de développer au mieux leurs potentialités et de trouver leur propre équilibre au sein de la société. Société dont nous ne pouvons prédire ce qu’elle sera (quand j’avais 20 ans j’aurais bien été incapable d’imaginer la société dans laquelle je vis actuellement et encore moins les valeurs qui sont les siennes – en particulier individualisme et compétition et les changement de mentalité s’accélèrent de générations en générations). Il me semble donc que si on a pris la plus importante responsabilité de notre vie qui est de faire venir un (ou des) êtres humains sur cette terre nous lui (leur) devons – tant qu’il(s) est (sont) sous notre responsabilité la sécurité physique, émotionnelle et affective qui lui (leur) sont nécessaires pour devenir un (des) adulte(s) équilibré(s) et responsable(s). Ce sont donc deux regards différents sur les enfants : dans le premier l’enfant est un produit à formater grâce à des “prêts à éduquer” valables pour tous en toutes circonstances et il suffirait de trouver la “bonne” recette pour que cela fonctionne pour tous, dans l’autre les enfants sont des personnes uniques en évolution constante, qui ont une personnalité propre, semblable à aucune autre et là cela demande d’entrer véritablement en relation avec cette personne pour découvrir qui elle est ce qui est bien plus enthousiasmant que de chercher à le formater de façon pavlovienne (dont on a la preuve qu’elle ne fonctionne même pas sur les animaux !) à un modèle de société qui n’existera sans doute plus. Les parents sont la base de sécurité des enfants, les personnes auprès desquelles ils viennent se ressourcer quand tout va mal, qu’ils se sentent mal, insécurisés, ceux dans les yeux desquels ils espèrent voir une image positive d’eux-mêmes, de l’affection, de l’indulgence, de la bienveillance ; un refuge où panser leurs blessures et souvent, comme ils n’ont pas les mots pour dire leurs maux ils l’expriment en envoyant des messages “désagréables” à décrypter. Dans ce cas le 1-2-3 squeeze le message…